« Ce n’est plus tenable » : la pénurie d’AESH explose, des académies dépassent 30 % d’élèves sans aide

L’école inclusive repose sur une idée forte : chaque enfant, quel que soit son handicap, doit pouvoir apprendre aux côtés des autres élèves. Mais ce principe se heurte aujourd’hui à une réalité brutale. À la rentrée, près de 48 726 élèves restent sans AESH, c’est-à-dire sans accompagnant pour les aider à suivre les cours. Dans certaines académies, plus d’un élève sur trois ayant droit à un accompagnement n’en bénéficie pas. Derrière ces chiffres se cachent des situations d’injustice, de fatigue, de colère et parfois d’abandon. Sur le terrain, enseignants, parents et AESH prononcent les mêmes mots : « ce n’est plus tenable ».

Une pénurie qui atteint un niveau inédit

48 726 élèves sans AESH à la rentrée : un record jamais vu

Jamais l’école n’avait connu une telle situation. Des milliers d’élèves se retrouvent en classe sans l’adulte qui devrait les accompagner, les aider à comprendre les consignes ou à gérer certaines situations difficiles. Certains enseignants essaient de compenser comme ils peuvent, mais ils n’ont pas le temps ni la formation pour remplacer ce rôle. D’autres enfants restent à la maison, faute de solution. Cette absence d’accompagnement n’est pas un simple retard administratif : elle remet en cause l’égalité d’accès à l’éducation et fragilise le lien entre les familles et l’école. Pour beaucoup, l’inclusion devient un mot vide de sens.

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Aix-Marseille, Lyon, Lille… les académies les plus touchées

Dans certaines régions, la pénurie prend des proportions alarmantes. À Aix-Marseille, plus de 33 % des enfants qui devraient bénéficier d’un accompagnement restent sans solution. Cela signifie des milliers d’élèves livrés à eux-mêmes. D’autres académies comme Lille, Lyon ou Créteil connaissent le même scénario. Selon l’endroit où vivent les familles, l’accès à un AESH peut varier du tout au tout. Dans certaines écoles, l’accompagnement existe dès la rentrée ; dans d’autres, il faut attendre des semaines, voire des mois. Ce fossé territorial crée un sentiment d’injustice et d’abandon chez de nombreux parents.

Pourquoi le nombre d’élèves en attente augmente chaque année

Le nombre d’élèves ayant besoin d’un accompagnement augmente constamment, notamment grâce à une meilleure reconnaissance des troubles du neurodéveloppement et des handicaps. Mais les recrutements ne suivent pas cette progression. Le métier d’AESH attire peu, beaucoup quittent leur poste rapidement, et les contrats proposés manquent d’attractivité. Résultat : plus les besoins augmentent, plus le système décroche. Chaque rentrée amplifie le décalage entre ce que la loi garantit et ce que l’école peut réellement offrir.

Des conséquences lourdes dans les écoles

Élèves renvoyés, isolés ou laissés sans suivi

L’absence d’accompagnement entraîne des situations douloureuses. Certains élèves sont accueillis uniquement quelques heures par semaine, d’autres sont priés de rester chez eux en attendant qu’un AESH soit disponible. Quand ils restent en classe sans aide, ils ne peuvent pas suivre le rythme, se sentent exclus ou en échec. L’inclusion devient alors une présence physique, mais sans apprentissage réel. Certains enfants décrochent progressivement, perdent confiance ou développent des comportements de repli ou d’agitation.

Témoignages de parents : incompréhension, colère, abandon

De nombreux parents décrivent le même parcours : des démarches longues, des promesses d’accompagnement, puis un silence. On leur annonce parfois la veille de la rentrée qu’aucun AESH n’est disponible. Ils se sentent impuissants, parfois coupables de laisser leur enfant dans une situation qu’ils savent injuste. Certains perdent leur emploi pour rester auprès de leur enfant, d’autres envisagent l’école à la maison ou des établissements spécialisés. Ce n’est pas seulement une question d’organisation, mais une atteinte à la dignité et à la confiance dans l’école.

Enseignants seuls face à des situations impossibles à gérer

Dans les classes, les enseignants doivent s’occuper de tous les élèves, tout en prenant en charge un enfant qui nécessite parfois une attention quasi constante. Ils improvisent, adaptent les consignes, essaient de rassurer les familles, mais ils ne peuvent pas tout assumer. Certains disent leur fatigue, leur frustration et leur peur de mal faire. L’absence d’AESH ne touche pas seulement l’élève concerné : elle déséquilibre l’ensemble de la classe et fragilise l’enseignant dans son rôle.

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Pourquoi l’État n’arrive pas à recruter assez d’AESH

Salaires trop faibles, contrats précaires, temps partiels imposés

Le métier d’AESH est indispensable, mais il reste mal rémunéré. La plupart travaillent à temps partiel et touchent entre 900 et 1 000 euros nets par mois. Les contrats sont souvent renouvelés chaque année, avec peu de visibilité à long terme. Ce manque de stabilité décourage les candidats, surtout dans un contexte de hausse du coût de la vie. Beaucoup quittent ce métier non pas par manque d’envie, mais parce qu’ils ne peuvent pas en vivre dignement.

Un métier exigeant, mais peu reconnu socialement

Être AESH, c’est accompagner un enfant dans ses apprentissages, ses émotions, parfois même dans ses gestes du quotidien. C’est un travail demandant patience, écoute, adaptabilité et une réelle responsabilité. Pourtant, ce rôle reste souvent considéré comme secondaire. Peu de formations, peu de valorisation et une faible reconnaissance institutionnelle font que les AESH se sentent invisibles au sein de l’école, malgré leur importance.

Des départs massifs et un recrutement qui ne suit pas

Chaque année, de nombreux AESH quittent leur poste, épuisés ou lassés de la précarité. Le recrutement ne suffit même plus à remplacer ces départs, encore moins à combler les nouveaux besoins. Les rectorats peinent à affecter du personnel, ce qui crée des retards dès les premières semaines de l’année scolaire. Cette instabilité permanente empêche de construire une relation durable avec l’élève accompagné.

Que prévoit le gouvernement pour sortir de la crise ?

Promesses, lois votées, mais application incomplète

Plusieurs textes ont été adoptés pour améliorer la situation des AESH et garantir un accompagnement continu, même sur le temps de cantine ou des activités périscolaires. Mais sur le terrain, leur application reste inégale. Certaines mesures sont retardées, d’autres appliquées partiellement, faute de moyens humains ou financiers suffisants. Les familles entendent les annonces, mais ne voient pas de changement concret dans la classe.

CDI, revalorisations, mutualisation : des solutions efficaces ?

Des avancées existent : possibilité d’un CDI après plusieurs années, légère augmentation de salaire, mise en place d’AESH mutualisés entre plusieurs élèves. Mais ces solutions restent limitées. La mutualisation permet de couvrir plus d’élèves, mais réduit le temps consacré à chacun et fatigue davantage les accompagnants. La revalorisation salariale ne compense pas le manque de stabilité ni le temps partiel imposé.

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Vers un véritable statut éducatif pour les AESH ?

De plus en plus de voix demandent que les AESH bénéficient d’un vrai statut au sein de l’Éducation nationale, avec une formation complète, un salaire stable et une reconnaissance équivalente aux autres personnels éducatifs. Une telle réforme permettrait de fidéliser les accompagnants, de mieux les intégrer dans les équipes pédagogiques et d’assurer une continuité pour les élèves.

Ce qu’en disent les familles et les AESH

Parents : détresse, culpabilité, ruptures de scolarité

Certains parents n’ont d’autre choix que de retirer temporairement leur enfant de l’école ou de réduire le temps de scolarité. Ils oscillent entre tristesse, colère et culpabilité. Ils ne demandent pas des privilèges, mais simplement que leur enfant puisse apprendre comme les autres, avec l’aide qui lui est due. Beaucoup se sentent abandonnés face à une institution qu’ils pensaient protectrice.

AESH : fatigue, polyvalence et absence de reconnaissance

Les accompagnants racontent des journées morcelées, des déplacements entre plusieurs écoles, des pauses non rémunérées et une impression de courir sans cesse. Ils aiment leur métier et les élèves qu’ils accompagnent, mais se demandent combien de temps ils pourront tenir dans ces conditions. Ils se sentent indispensables mais invisibles, essentiels mais oubliés.

Mobilisations, grèves et appels à un changement profond

Dans de nombreuses villes, des collectifs regroupant parents, enseignants et AESH manifestent pour réclamer des moyens concrets. Ils dénoncent une école inclusive fragilisée et demandent que les droits des enfants soient enfin respectés. Leur message est clair : on ne peut pas parler d’inclusion sans donner les moyens humains nécessaires.

En résumé

La pénurie d’AESH n’est pas un simple retard administratif, mais une crise profonde qui touche directement le cœur de l’école inclusive. Près de 50 000 élèves se retrouvent sans accompagnement, des enseignants épuisés essaient de compenser, et des familles perdent confiance. Tant que ce métier restera précaire et mal reconnu, la situation ne s’améliorera pas. Ce qu’il faut, ce n’est pas seulement des annonces, mais une véritable volonté de considérer les AESH comme des acteurs essentiels de l’éducation.

Stephane

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