Nous savons maintenant comment enseigner.

J’ai innové en éducation pendant mes sept premières années, pour réaliser finalement qu’à travers les 33 projets que j’ai alors développés et qui intégraient les TIC (1000 pages de matériel pédagogique, près de 3000h de création), je ne faisais que répéter une forme de structure redondante. En fait, j’avais donc 33 versions d’un même mécanisme, certes très motivant, mais où je n’avais jamais pris le temps de mesurer autrement que qualitativement, l’effet de tous ces projets.

Puis j’ai quitté la classe pendant 5 années (conseiller pédagogique en TIC), pour revenir avec le goût ardent de trouver de nouvelles manières d’enseigner afin d’avoir un effet clair et mesurable sur la réussite des élèves. Après une année à intégrer la pédagogie inversée, les projets, la technologie au quotidien, et un nouveau projet de création d’un jeu d’une nouvelle ère (Pangéa), je me suis vite buté à un résultat à peine meilleur que la normale pour des 6e années : 60% des élèves ont progressé pour une hausse moyenne de 1,8%…

Je me rassois, recrée, redessine la structure autour de la progression du maximum d’élèves et boum, un succès clair, mesurable et officiel : 82% progressent d’une hausse de la moyenne de plus de 7%

C’est alors que je décide de chercher dans la littérature pour tenter de trouver des explications à ce changement important au niveau de l’effet de ma pédagogie 3.0. Qu’avais-je fait de si différent?

Je réalise alors que tout ce que j’ai ajouté, intuitivement, se trouvait dans les 12 premiers éléments du classement d’Hattie alors que dans la 1e année de la pédagogie 3.0, je n’en faisais que 3.

J’ai aussi réalisé que l’essentiel de mon approche avait aussi été clairement décrit par les travaux de Carole Dweck sur le fait de mettre en place des pratiques qui stimulent le « grown mindset ». Certes, je m’y prenais d’une manière novatrice, toutefois ce que je faisais n’allait que dans la direction de ces écrits.

J’ai aussi réalisé en lisant Marzano que l’importance d’utiliser l’approche par maîtrise et la différenciation ainsi que de mesurer son propre effet. Le développement de mon outil (Probe 3.0, anciennement Watson 3.0) était la meilleure chose sur laquelle j’avais pris le temps de développer parce qu’à travers le « data » des évaluations qu’on fait passer aux élèves, il y a une myriade d’informations, de fluctuations qui nous enseignent comment agir avec ce groupe, avec tel ou tel élève…

Enfin, en optimisant mon approche et en y intégrant un arrimage entre la rétroaction et l’enseignement efficace de Steve Bissonnette, Mario Richard et Clairmont Gauthier, c’est 91% des élèves de ma 3e année de déploiement de la 3.0 qui a su bénéficier de mon adaptation des données probantes, d’une traduction et d’une amplification finalement de ce que les recherches en éducation prouvent depuis plus de 60 années…

Il y a encore beaucoup de place pour innover en éducation. La pédagogie 3.0 en est un exemple flagrant. Les travaux des personnes influentes que je viens de vous énumérer doivent être la base sur laquelle on invente, avec ou sans la technologie, dans nos pratiques pour le bien de ceux qui nous sont si généreusement confiés.

En 2017, on sait comment enseigner. Et c’est loin d’être aliénant que de se pousser hors de la réalité qu’on génère dans notre classe et d’ouvrir un livre ou deux sur ces gens qui ont dédiés leurs vies pour nous transmettre ce qui fonctionne vraiment.

Je terminerais avec le partage d’une grande peur que j’ai pour Samuel et Sofia, mes deux enfants qui sont encore à la garderie, mais qui, bientôt, fouleront les portes de notre école de quartier. Je ne voudrais pas qu’ils s’échouent dans des classes où les enseignants refuseraient ce qui est évident parce qu’ils s’auto proclameraient avoir « un style personnel d’enseignement », qui serait ancré dans l’innovation et non dans des recherches trop « vieilles ». Qui brandiraient la réponse de « l’autonomie professionnelle » pour répéter des pratiques ayant trop peu d’effets sur trop peu d’élèves ou seulement au niveau qualitatif.

L’innovation en 2017, c’est d’amener plus de réussite, plus de compétence et de progression auprès des élèves qui nous sont confiés. Ce n’est pas de se déguiser en clown, ou d’irradiant des classes au Wifi, sans vouloir regarder les fluctuations de ces derniers. Il est temps qu’on le réalise, et le temps presse, non pas à changer les murs ou remplacer les fenêtres par des écrans, mais en fouillant dans ce qui fonctionne et faire germer des adaptations de ces vérités, dans la progression de nos élèves.