Lorsque mars est arrivé, en 2012, et que j’ai pensé quitter mon poste de conseiller pédagogique en TIC pour retourner sur le plancher des pupitres, j’avais la tête pleine d’idées. Certaines farfelues et d’autres que j’avais lu. Parmi celles-ci, les grands avantages de la classe inversée, que j’ai dernièrement explorée et dont je vous fais part de mes propres découvertes…

La classe inversée

Lorsqu’un enseignant traditionnel enseigne, il démontre certaines notions, soit par lui, ou avec des techniques de découvertes dirigées. Puis l’élève se rend, souvent par-delà le souper, dans ses devoirs. Il tente alors de réappliquer ce qu’il a vu, survolé, en classe, les neurones baignant dans la fatigue de la journée. S’il y a incompréhension, alors souvent le parent se trouve un peu désabusé, et l’enfant revient le lendemain avec souvent, plus d’incompréhension que de confiance…

La classe inversée, c’est d’envoyer le jeune à la maison avec un clip vidéo expliquant la notion et un devoir. Rien d’expliqué en classe auparavant. L’élève peut alors regarder, mettre sur pause, réécouter des passages jusqu’à tant qu’il puisse mieux comprendre, et c’est censé faire un miracle. Et le temps de classe ensuite est utilisé pour partager, la collaboration, échanger sur les éléments compris versus ceux moins bien, plutôt que de prendre du temps pour faire regarder les élèves au tableau…

Selon des études récentes aux États-Unis (http://www.gradhacker.org/2012/02/22/flipping-out-what-you-need-to-know-about-the-flipped-classroom/) avec une approche « traditionnelle » et plutôt directive, on amène les élèves dans l’échec à 50% de la classe, alors qu’avec cette manière de fonctionner, on a alors que 19% d’échec… Fallait bien que j’essaie et avouez que c’est alléchant.

 

Frustration d’une méthode qui génère encore 20% d’échecs…

Mes résultats ont été différents que les statistiques, car je n’avais pas 44% d’échec en math (car j’ai appliqué cette méthode avec les mathématiques dans un premier temps), mais tout près. Et je ne cherchais pas à appliquer une méthode qui réduirait ce % d’échec, mais bien une qui l’enrayerait complètement! Le St-Graal de la pédagogie! Ce n’est pas parce que personne ne l’a encore trouvé qu’il n’existe pas J! Pourtant, plusieurs le cherchent et le découvrent aussi

-Pierre Poulin et François Bourdon http://www.iclasse.com/#&panel1-1 ,

-Annick Cartier http://about.me/annickcarter1 , http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20130107.OBS4612/au-canada-une-nouvelle-pedagogie-pour-aider-les-eleves.html ,

– Caroline Hétu https://www.youtube.com/user/madamehetu , Brigitte Léonard http://brigitteprof.brigitteleonard.com/ ,

-Anne-Marie Roberge et Émilie Goulet http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/education/201206/21/01-4537178-a-lecole-du-coenseignement.php

 

Comment j’ai « flippé » au début.

explain

Dans mes premières semaines, un peu dépassé par l’urgence du quotidien qu’un CP n’a pas mais que le prof a constamment comme réalité, je n’ai pas eu le temps de faire les vidéos de captures d’écran avant à la manière de Khan Accademy (https://www.khanacademy.org/). Ainsi, j’ai montré une notion au tableau (je n’avais pas encore de TBI), puis le soir, sur mon iPad, j’ai tenté quelques applications pour recréer la vidéo.  Certes l’application Mac « Explain Everything » (http://www.explaineverything.com/)  est excellente, mais demande beaucoup de temps au début. Pour plus de précision, j’ai aussi acheté inutilement le crayon Cregle (http://www.cregle.com/ 120$ de dépensé de trop mais bon car il se « déqualibre » tout le temps …) Faut dire aussi que le « stress » de s’enregistrer avec l’idée de se diffuser sur YouTube par la suite fait qu’on révise plusieurs fois sa présentation auparavant… Ainsi sont survenues mes frustrations :

 

Frustration #1, le temps investi pour la vidéo est important au début.

La seconde vidéo, j’ai tenté de faire un peu de montage vidéo et tout… Les Applications sur le iPad n’étant pas au point, j’ai passé pas moins de 6h30 pour réaliser ladite vidéo!!! Je ne vois pas comment je pourrai continuer ainsi, c’est bien beau, mais mosus que ça me prend du temps. J’ai eu beaucoup de misère à parler en même temps que j’expliquais… Dans les vidéos subséquentes, j’ai enregistré sur l’écran, et je me suis « post-synchronisé » ensuite dans le logiciel de montage vidéo. Bref, résultat, ladite vidéo a été consultée 30 fois dans les 2 premiers jours (alors que j’ai 24 élèves), je me suis dit que tout allait pour le mieux! J’ai réussi à généré mes vidéos en +/- 2h!

Frustration #2, les élèves qui en auraient le plus de besoins ne vont pas consulter la vidéo!

Ensuite, m’étant donné comme objectif de réaliser une vidéo ainsi aux 2 semaines, j’ai eu le temps de produire les 2 autres avant d’arriver à la matière, et ainsi, pouvoir laisser les élèves seuls avec la vidéo le soir pour faire leurs exercices. Le lendemain, correction, partage en classe et tout semble bien se passer. Les notes montent de 12%, pourtant j’ai encore 8 élèves en échecs… échecs que je n’explique pas… Puis, posant quelques questions, je réalise que 7 d’entre eux ne vont pas voir les vidéos… Ils ont donc ainsi, aucune explication sur les notions…

 

Frustration #3, les élèves qui n’ont pas vu la vidéo se désengagent encore plus en classe…

Auparavant (lorsqu’on explique les notions en classe), ceux qui ne faisaient pas leurs devoirs avaient quand même 50, 55% alors que là, c’est du 40% avec un écart type de 12 pour les 7 qui ne veulent pas aller sur l’Internet le soir (pourtant, ils me répètent qu’ils ont l’accès à la maison). Mon approche proposée est donc directement en train de creuser le faussé… J’ai quand même trouvé des solutions à ça, et c’est la raison de ce présent article!

 

Bon, il y a quand même des avantages, en voici quelques-uns :

Avantage #1, on gagne beaucoup de temps en classe.

Les notions simples étant faites à la maison, on peut se lancer plus dans les situations complexes, les problèmes ou les SAE (Situation d’Apprentissage et d’Évaluation), éléments qui requiert la collaboration des pairs et un bon pédagogue au bout de la main levée :D.
Avantage #2, Plus besoin de faire de révision avant les évaluations synthèses.

Étrangement, on gagne quasiment 2-3 jours ainsi. Les élèves ont la responsabilité de réviser, et toutes les explications étant tout le temps disponible, il n’y a pas de raison d’échouer, sauf si on décide de ne pas aller sur l’Internet le soir.

 

Défi 1 : Devenir plus efficace dans la création des vidéos

enregistreur smart

Les logiciels venant avec les TBI ont souvent une option de capture d’écran en vidéo. Avec Notebook, il faut cliquer avec le bouton de droit sur la barre d’outils en haut de l’écran et s’ajouter l’enregistreur smart… Ensuite, avec un micro, le logiciel enregistre tout ce qu’on fait et génère un clip qu’on peut éditer avec Movie Maker, ou tout autre logiciel, et ensuite le placer sur l’Internet avec un compte YouTube.

Lors d’une journée pédagogique, je me suis donc enregistré avec le micro du portable pour expliquer une notion que je savais très nouvelle, soit la multiplication par la méthode de Jalousie. Remarquez que la qualité visuelle et de l’audio sont plutôt mauvaises, toutefois, les élèves qui l’ont consulté ont tout compris.

Défi 2 : Produire du matériel qui fait que la notion puisse « s’apprendre toute seule ».

Il y a rien comme une comptine pour apprendre quelque chose. Pourtant, dans le curriculum de l’école, outre l’alphabet et quelques chansons en maternelle, cette activité mnémotechnique prend vite le bord! Bien que j’ai des chansons à la guitare dans la classe pour quelques règles de grammaire (http://stephanecote.org/classe-chansons/) je me voyais mal trouver l’équivalent pour toutes les notions de mathématiques. Pourtant, dans mes vidéos, ce qu’il y a de différent de « Khan Accadémy », est la répétition. Je répète beaucoup la notion expliquée dans le clip ce qui fait qu’une fois qu’on a terminé de le la regarder, on sent bien que la notion semble « raisonner » dans nos neurones.

 

Défi 3 : Faire que mes 7 récalcitrants voient la vidéo.

J’ai essayé des vidéos plus humoristiques avec des effets spéciaux (bruits de vaches ou en changeant ma voix, voir la vidéo) avec l’espoir qu’ils se le disent et qu’ils aillent voir les vidéos, mais sans succès… J’ai aussi voulu montrer la vidéo sur TBI en classe, mais là, c’était de la folie… Prendre 2h pour faire une vidéo qui me remplacerait dans la classe le lendemain, c’était inutile!

Solution toute simple!

Et puis je me suis dit, pourquoi ne pas rallier l’explication du prof avec l’avantage de l’avoir le soir à la maison! Et si j’enregistrais « live » l’explication devant la classe! Ainsi, mes plus récalcitrants à aller sur l’Internet le soir pourraient au moins avoir l’explication donnée par un pédagogue! Ainsi, j’ai enregistré mon cours sur le rapporteur d’angle directement pendant que je donnai la notion, en utilisant le micro intégré au portable.

Extrait :

Remarquez que mes élèves parlent pendant mon explication et que le son est médiocre! Et pourtant, 3 des 7 élèves qui n’allaient pas sur le Web ont été par la suite! J’ai gagné du temps personnellement en ayant ainsi qu’un peu de montage a faire par la suite, et 15 minutes plus tard, entre la fin des classes et le temps qu’ils arrivent chez eux, la vidéo leur était rendue disponible.

 

Puis le test de synthèse est arrivé pour obtenir de bons résultats pour obtenir la fameuse note de 84% avec un écart type de 18% (http://stephanecote.org/2012/10/28/quand-apprentissage-rime-avec-amelioration-des-resultats/) .

progression

Bien que le progrès et le rétrécissement de l’écart type découlaient de d’autres stratégies (la permanence de l’apprentissage (http://stephanecote.org/2012/09/27/classe-permanence-eres-responsive/) toutefois, en décortiquant les résultats par notions vues, j’ai pu ainsi trouver ce graphique qui parle par lui-même :

 

vid-ou-non-1024x584

 

Ainsi, la notion qui a obtenu de bien meilleurs résultats est celle enregistré devant les élèves, même si le son est très mauvais. Et que les 2 premières, celles où je n’ai rien expliqué en classe (la classe inversée pure) n’a donné que de très mauvais résultats pour les élèves qui ne consultaient pas les vidéo. Le cours enregistré (les 2e colonnes) montre que ceux qui ont été consulté la vidéo après le cours, malgré qu’ils aient eu le cours, ont eu encore de meilleurs résultats! Alors que les dernières colonnes (notion enregistrée, mais non diffusée) ont obtenu de moins bons résultats… Je n’ai pas diffusé, car les élèves se sont mis à dire tout plein de niaiserie pendant l’explication avec le souhait d’aller s’écouter le soir venu… Hé j’te dis, ces jeunes…

 

Espoir :

Revenu en janvier, je leur ai parlé de l’aspect hautement bénéfique des explications enregistrées et que ce serait à leur avantage que je puisse fonctionner ainsi et diffuser l’explication le soir venu… Ils ont alors été des plus silencieux… mais je me suis rendu compte le soir venu que le micro n’était pas activé, j’avais donc 3 vidéos sans sons… Qu’à cela ne tienne, j’ai produit ces 4 vidéos le lendemain en une récréation et on verra bien ce que les résultats seront bientôt à ce sujet!

 

Au plaisir de partager avec vous mes prochaines explorations pédagogiques!

Stéphane Côté